Gabriel Diallo, ou les mathématiques de la terre battue parisienne
Gabriel Diallo ne faisait pas encore partie des 150 premières raquettes mondiales quand il s’est amené à Paris l’an dernier, où il avait arraché sa qualification au bout de trois matchs ardus pour participer au premier tournoi majeur de sa carrière. Un an plus tard, il n’est qu’à quelques rangs d’être tête de série à Roland-Garros.
Les 32 joueurs les mieux classés par l’ATP seront favoris au tournoi majeur sur terre battue qui s’ouvre le 25 mai à la porte d’Auteuil. Après avoir atteint les quarts de finale d’un tournoi de la série Masters pour la première fois il y a deux semaines, le Québécois de 23 ans est désormais 54e mondial, à quatre rangs de l’objectif qu’il s’était fixé en janvier pour l’année 2025… avec six mois encore au calendrier.
Je ne suis pas encore top 50, a-t-il insisté en point de presse, mercredi, arborant une nouvelle tête fraîchement rasée. Je sais que ça peut paraître proche, mais à ce niveau-là, ça se joue à tellement pas beaucoup. Ça prend des bonnes semaines pour faire des bons bonds. Ce n’est plus comme quand j’étais un peu moins bien classé où tu pouvais faire une semaine correcte, et vraiment passer de 150 à 130 ou à 100.
Or, l’arithmétique du classement mondial veut que sans point à défendre à Wimbledon en juillet, où il n’a pas réussi à sortir des qualifications l’an dernier, mais où il est assuré d’être du tableau principal cette année, il entrera dans ce top 50 même s’il n’arrive pas à améliorer son sort à Paris.
En plus, en se présentant dans les tournois préparatoires à l’herbe londonienne, puisqu’il était encore dans le circuit Challenger la majorité de la saison 2024, et en ne gagnant que quelques matchs çà et là, ce sont les 40 premiers, voire les 30 premiers du monde qui l’attendent avant l’Omnium Banque Nationale. Avec la possibilité bien réelle qu’il dépasse Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov comme meilleure raquette canadienne avant la fin de l’été.
Diallo est cartésien, étapiste, une attitude qu’il puise dans ce qu’il qualifie de stoïcisme de son entraîneur Martin Laurendeau. Et il ne veut pas se fixer un nouvel objectif, sans avoir réalisé celui en cours.
Alors, j’ai encore cet objectif que je m’étais fixé en début d’année et qu’on va essayer de franchir, a-t-il poursuivi. J’essaie de rentrer dans les 50 et on est juste à côté.
Gabriel Diallo a ajouté des armes à son jeu sur terre battue cette saison.
Photo : Tennis Canada/Martin Sidorjak
À 2,03 m (6 pi 8 po), Diallo n’a pas le profil habituel du terrien. Et si le dur intérieur demeure sa surface préférée, – et celle sur laquelle il a passé l’essentiel de ses années formatrices à Montréal –, l’ocre, surtout quand elle est plus rapide comme celle de Madrid où il a atteint les quarts de finale le 1er mai, lui permet de développer son jeu différemment.
Ce que j’aime de la terre battue, c’est que ça complexifie un peu ton jeu. Tu deviens un peu moins dépendant, en tout cas pour moi, de mes armes, c’est-à-dire de mon service et de la balle après mon service parce que tout se ralentit. Donc, il faut que tu sois un peu plus créatif dans ta manière d’aborder les points
, a-t-il expliqué.
La terre laisse plus de place à son sens tactique que les surfaces où la balle revient rapide. La terre battue, il faut vraiment que tu sois malin. Il faut que tu essaies de jouer avec les forces et les faiblesses de ton adversaire. Et pareil pour toi-même.
C’est un peu comme une équation mathématique que d’abord tu essaies de résoudre pour ultimement essayer de gagner le match.
Les mathématiques de la terre battue, encore, et ce n’est pas fini.
Parce que pour faire évoluer son jeu sur la surface plane d’un court de tennis, Diallo s’est doté d’un nouvel outil pour changer la géométrie des duels.
J’ai rajouté la dimension du service-volée, peu importe la surface, peu importe les conditions, a-t-il lancé en filant la métaphore, peut-être sans le savoir. Peut-être qu’avant le service-volée, je le réservais pour des surfaces où ça allait un peu plus vite comme le gazon ou le dur très rapide. Mais je pense que même sur terre battue, il y a de la place à faire ça.

Gabriel Diallo a raffiné sa technique sur terre battue.
Photo : Getty Images / Clive Brunskill
Je sers à un meilleur pourcentage, je commets beaucoup moins de fautes non provoquées. Je me déplace mieux, vraiment mieux que l’année dernière sur la surface, ce qui est pour moi un peu plus challengeant parce que je n’ai pas grandi sur ça.
Néanmoins, il avoue avoir par moment de la difficulté à analyser complètement ce qui explique sa progression. C’est sûr que quand on est vraiment dans le truc, comme Martin et moi, parfois, on a un peu du mal à voir où est-ce qu’on était il y a un an.
Il y a un an, c’était aussi une défaite contre un vieux routier au premier tour à Roland-Garros, en cinq manches au premier tour contre Kei Nishikori, triple quart de finaliste à Paris.
Là, j’ai une approche quand même assez différente, j’ai un classement différent, j’ai un bagage d’expérience différent. L’année dernière, c’était ma première saison sur terre battue sur le circuit Challenger.
Les 10 prochains jours seront consacrés à allonger les entraînements pour mieux résister à des matchs possiblement marathons comme celui contre Nishikori. Une bataille de 4 heures 22 minutes, où le corps, mais aussi l’esprit, ont fini par flancher à son tout premier match en cinq manches (les qualifications en tournoi majeur étant limitées à trois).
On fait des séances plus longues à la place de faire, par exemple, deux séances de deux heures d’entraînement, on en fait une longue séance de trois heures et demie ou quatre heures. C’est impossible d’être concentré du premier point au dernier point. Il va y avoir des moments où la concentration va baisser. C’est important de réaliser ça. Alors, on passe beaucoup de temps sur le terrain pour essayer d’habituer un peu le corps et le cerveau à potentiellement rester sur le terrain pendant quatre heures et demie
, a-t-il dit.
Un apprentissage nécessaire pour être capable d’atteindre un objectif qu’il n’a pas encore formulé publiquement : atteindre pour la première fois la deuxième semaine d’un tournoi majeur. Et si possible, bien avant ses 27 ans, quand il s’attend à être au sommet de ses capacités.
Mais une étape à la fois.
Ainsi vont les mathématiques de la terre battue, les mathématiques du tennis.
Auteur :
Aller à la source