Le manque de visibilité médiatique des joueuses de tennis
En trois jours, elle est passée 6000 à 250 000 abonnés instagram, de 361ᵉ à 65ᵉ joueuse mondiale, en renvoyant deux joueuses du top 10 au vestiaire… Et d’un coup, les loges se remplissent, les sponsors se réveillent, les médias français redécouvrent qu’une femme peut aussi tenir une raquette. Mais ce soudain coup de foudre médiatique révèle surtout un paradoxe : le sport féminin est invisibilisé la plupart du temps, il n’accède à la lumière médiatique que lors de performances hors normes, avant de retomber dans l’oubli.
Comment ça ?
Eh bien, qui n’a pas entendu vendredi dernier « ça y est il n’y a plus de Français à Roland-Garros« , pendant qu’une Française était littéralement en train de renverser le tournoi. Parce que le neutre, en sport comme ailleurs, est masculin. Il y a le tennis, et puis, le tennis féminin.
Aryna Sabalenka, numéro 1 mondial, dénonçait qu’à Roland Garros, les « night sessions », les prestigieux matchs du soir, soient exclusivement masculins. Heureusement, les sessions de l’après-midi bénéficient encore de l’exposition de la télévision publique… Mais la médiatisation du sport féminin en général reste marginale : en 2021, seules 5 % des retransmissions sportives concernaient des compétitions féminines.
Et ce déséquilibre va plus loin ?
Moins de visibilité, moins de sponsors. Moins de sponsors, moins d’argent. Moins d’argent, moins d’entraînement.
Grâce à ses victoires, Lois Boisson vient de gagner près de 700 000 euros. Heureusement, à Roland-Garros, les primes sont égales… depuis 2007. Pas mal par rapport à d’autres tournois, mais il aura fallu presque un siècle pour que les femmes soient aussi bien payées que les hommes quand elles gagnent. Le reste du temps ? Les sponsors ne suivent pas toujours, en 2024, Loïs Boisson avait lancé une cagnotte Leetchi pour financer sa rééducation suite à une blessure.
Et même quand les sportives atteignent un moment de gloire, elles ne déclenchent pas les débordements fous qu’on a pu voir samedi soir, et surtout bénéficient moins du travail de mémoire. Marie Marvingt la super-héroïne : première femme à piloter seule un avion, à courir le Tour de France avec les hommes, à se battre à leur côté et à soigner les blessés, à gravir de multiples sommets… Elle a reçu 34 décorations et pratiqué tous les sports, mais elle est morte inconnue dans les années 1960.
Et parfois, ce n’est pas de l’oubli, c’est de la disparition
Il y a celles qu’on préfère invisibles, comme les femmes portant le voile, qu’un projet de loi sénatorial voulait exclure de toute compétition, même amatrice. Et puis, il y a celles qu’on fait carrément disparaître. La difficulté à être entendue sur les violences sexuelles a atteint son paroxysme en Chine, lorsque Peng Shuai, championne de tennis, a accusé un haut dirigeant de viol. Depuis novembre 2021, plus aucun signe de vie publique indépendante. Moi, je ne l’ai pas oubliée.
Alors oui, bravo Loïs Boisson. Mais aussi, basta l’exception. Le sport féminin n’a pas à surgir à coups de miracles. Il mérite sa place. Pleine, entière et, durable. Le sport, c’est de la sueur, de la ténacité pour les femmes et les hommes. C’est aussi et surtout une occasion de se rassembler. Et pourquoi pas, pour l’égalité ? Le 24 juin, la Fondation des Femmes organise la Nuit des Relais. Une course par équipes. Pas besoin d’être classée ATP. On peut trottiner. Il faut juste avoir l’envie d’avancer. Contre les violences. Pour l’égalité. Parce que sur ce terrain-là, tout le monde va y gagner.
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