Roland-Garros 2025 : Aryna Sabalenka met fin au règne parisien d’Iga Swiatek
La reine est tombée. Iga Swiatek a perdu à Roland-Garros, et personne n’avait plus vu ça depuis quatre ans. Une autre époque, en tennis. Celle qui avait déjà abandonné son trône de patronne du circuit à l’automne 2024 se voit désormais privée de «son» tournoi, celui où chaque printemps, elle venait briller, tant elle n’avait aucune adversaire capable de la faire vaciller sur terre battue. C’était jusqu’à ce jeudi, et son bourreau n’est autre que celle qui lui a chipé la place de numéro un mondiale, Aryna Sabalenka. Qui d’autre que le rouleau compresseur bélarusse pour endiguer (7-6, 4-6, 6-0) l’étourdissante série de 26 victoires consécutives de la Polonaise sur l’ocre parisien ?
Une telle prouesse devait se faire dans la dureté, en puisant loin, avec panache, pronostiquait-on un peu partout. De la même manière que le choc devait être celui de la quinzaine. Le genre de match qui doit nourrir le narratif d’une rivalité amenée à être l’une des plus épiques dans le futur, entre deux patronnes dont on raconte qu’elles sont devenues un peu potes cette année. Possible, mais pas sur le court, où ce jeudi 5 juin tout était âpre, rugueux, crispé. Laborieux, souvent. Sans accoucher d’une souris, l’affrontement n’a pas eu non plus l’éclat escompté.
Pourtant, point de conditions venteuses comme en quart pour justifier les approximations dans les frappes ou les placements. On jouait sous toit fermé. Simplement beaucoup d’effervescence dans les têtes. Preuve de l’extrême tension autour de cette demie : onze breaks ont été recensés sur les 14 premiers jeux. Une partie hachée, avec deux protagonistes qui n’ont pas joué en même temps. Du moins, pas tout le temps.
A défaut d’avoir fait ressortir le meilleur des deux joueuses, ce chapitre parisien a eu le mérite d’être inventif dans le scénario. Personne n’avait encore imaginé une Swiatek aussi tétanisée. La Polonaise, quatre fois lauréate ici, dont on loue pourtant la gestion émotionnelle lorsque les problèmes sont des plus sérieux, fut méconnaissable quand ça a compté, a contrario de ses tours d’avant. Comme ce tie-break exécrable et perdu du premier set, où sa raquette donnait l’impression d’un vieux fusil enrayé, la Varsovienne arrosant à tout-va autour du court.
Un fait de jeu a bien failli bousculer toutes les convictions acquises. A 4-1 en sa faveur dans la première manche, Sabalenka croit passer un ace qui doit lui permettre de marquer un cinquième jeu. Le public acclame, mais l’arbitre de chaise, le Français Kader Nouni, intervient au micro. La balle est «let». Fausse joie pour Sabalenka, qui perd sa mise en jeu dans la foulée. Moins d’un quart d’heure plus tard, le grand tableau du Central affichait 5-4 Swiatek. Son poignet fébrile s’est chauffé d’un coup, et l’ex-numéro un s’est mise à prendre les commandes de l’échange, dictant le tempo derrière sa ligne en fouettant la balle du droit, alternant droite-gauche pour user son opposante.
Mais dans cette copie parfaitement illisible, où chacune est revenue de situation désespérée, reprenant les commandes lorsqu’on s’y attendait le moins, Sabalenka a appuyé alors qu’elle était à deux doigts de lâcher le set. Swiatek a paru aspirée dans le rythme imposé par son adversaire, dont les frappes puissantes prennent à la gorge. Et la Polonaise s’est longtemps bornée à accepter un bras de fer perdu d’avance, en voulant plier l’échange en deux coups de raquette, au lieu de construire en variant. Quand elle a changé de braquet, c’est-à-dire dans le second acte, Sabalenka a peiné. Sans surclasser la Bélarusse, Swiatek a fait le nécessaire. Elle a aussitôt pris le service de son adversaire, puis a gardé le sien tout du long, en manœuvrant dans une version plus 2024.
Les travées du Chatrier ont alors cru assister à un énième come-back de la triple tenante du titre. Mais depuis son titre glané ici en 2024, le dernier qu’elle a remporté, la Polonaise est empêtrée dans un doute permanent. La Swiatek version 2025 n’a pas cette constance dans la précision qui la caractérisait avant. Tout le contraire de Sabalenka, qui s’est entêtée dans sa stratégie, consistant à envoyer du bois sans discontinuer, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Celle de Swiatek a eu lieu au bout de 2h22, au terme d’une ultime manche décevante, à sens unique (6-0).
Pour Sabalenka, qui n’avait eu la peau de sa rivale sur terre qu’une seule fois, à Madrid en 2023, il s’agit là d’une véritable prouesse. Pour que le couronnement soit total, encore lui faut-il terminer le boulot samedi. Elle disputera, à 27 ans, sa première finale de Roland-Garros. Soit contre une «vieille» connaissance, Coco Gauff, soit contre la surprise du chef, la Française Loïs Boisson. Alléchant, quoi qu’il arrive.
Auteur : Romain Métairie
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